
Sur le fil du succès : comment Designs by Nhung tisse communauté, culture et savoir-faire à Yarmouth
Lorsque vous franchissez les portes de Designs by Nhung, niché sur la rue John à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, le bourdonnement d’une machine à coudre est souvent le premier accueil. L’odeur des tissus (coton, mousseline, tissus d’ameublement) se mêle à une atmosphère de concentration paisible. Ce n’est pas qu’un magasin de couture : c’est le cœur créatif d’une femme dont le parcours, du Vietnam jusqu’au Canada, a été façonné par la résilience, l’artisanat et les liens communautaires.
Du Vietnam à Yarmouth
Jeune femme au Vietnam, Nhung rêvait d’aller à l’université. « Je n’avais pas assez d’argent pour continuer mes études universitaires, » raconte-t-elle. « C’est là que je me suis dit que je devrais apprendre à coudre et à concevoir des vêtements. » Elle a exploité un atelier de couture dans sa ville natale de Pleiku pendant environ dix ans, jusqu’à ce qu’elle ait les moyens d’aller à l’université.
Après avoir obtenu son diplôme, elle a travaillé dans un projet où elle a rencontré son futur mari, John. Elle est arrivée à Yarmouth en 2004 et a commencé à bâtir une nouvelle vie dans un nouveau pays. Durant les premières années, elle retournait chaque année au Vietnam pour y effectuer des mandats de consultation, mais Nhung avait déjà dirigé une entreprise de couture, et elle voulait recommencer. Cette fois, à Yarmouth.
C’est ainsi qu’est né Designs by Nhung, lancé en 2011, stratégiquement, le jour du solstice d’été, peut-être un clin d’œil aux nouveaux départs et aux longues journées de travail à venir. Quatorze ans plus tard, la boutique est bien ancrée dans la communauté. Elle fournit des tissus, du matériel de couture, et propose des services de retouches allant des ajustements de tous les jours aux essayages complexes de robes de mariée ou de bal.
Une couturière de puissance
Nhung dirige l’entreprise seule depuis le tout début. « Il n’y a plus beaucoup de gens qui aiment faire des retouches, ou même qui savent comment faire, » dit-elle. « C’est donc difficile de trouver des personnes avec les bonnes compétences et la bonne éthique de travail. » Malgré les longues journées (parfois jusqu’à 11 heures) sa passion reste intacte. « Tout ce que je veux dans le fond, c’est de passer une bonne journée à travailler, sans m’ennuyer, » explique-t-elle.
Sa dévotion lui a valu une clientèle fidèle non seulement à Yarmouth, mais aussi à Halifax et Bridgewater. « La plupart de mes clients viennent parce qu’ils ont besoin que je répare des vêtements, et ils trouvent que je fais du bon travail, alors ils reviennent, » dit-elle. Le bouche-à-oreille est son outil de marketing le plus efficace, et au fil des ans, il a consolidé sa réputation comme l’une des rares couturières fiables de la région.
Une boutique qui grandit avec sa communauté
Si les retouches sont au cœur de l’entreprise, Designs by Nhung a pris de l’ampleur. Le magasin offre désormais une vaste gamme de fournitures et de tissus, incluant des matériaux pour le matelassage, des tissus d’ameublement et des imprimés floraux. « J’ai un peu de tout, vraiment, » dit-elle. « Je suis super
contente quand un client cherche quelque chose de difficile à trouver, et que je l’ai. De cette façon, il n’a pas besoin d’acheter en ligne ou de faire de la route. »
Avec le succès de l’entreprise, l’espace est vite devenu trop restreint. « J’ai commencé à penser que mon magasin était trop petit, » se rappelle Nhung. C’est alors qu’elle a pris la décision audacieuse d’acheter un bâtiment plus grand. Une initiative ambitieuse qui nécessitait du soutien.
L’appui de la CBDC Yarmouth
C’est à ce moment-là que Nhung s’est souvenue de la CBDC Yarmouth, qu’elle avait consulté en 2011 pour obtenir des conseils de démarrage. « Ils m’avaient dit : “n’emprunte pas si tu n’es pas obligée”, » se souvient-elle. « Mais en 2022, quand on a déménagé dans le grand bâtiment, nous devions emprunter, alors nous sommes retournés les voir. »
Le soutien de la CBDC lui a permis d’acheter et de rénover le nouveau local, en effectuant des travaux allant de la toiture à l’éclairage DEL, en passant par l’installation de systèmes électriques distincts. « On a vraiment aimé pouvoir rembourser le prêt plus rapidement que prévu, sans pénalité, » dit Nhung. « On n’aime pas emprunter ni devoir de l’argent, alors la CBDC était le meilleur choix pour nous. »
Sa relation avec la CBDC continue encore aujourd’hui. « Je passe voir Kristina (Nuja) chaque fois qu’il y a un changement ou quelque chose du genre, » dit-elle. L’organisme a même facilité un prêt supplémentaire quand un café local a voulu louer une partie de son bâtiment. Des rénovations étaient nécessaires pour créer une entrée et une salle de bain accessibles en fauteuil roulant, contribuant ainsi à l’inclusivité des infrastructures locales à Yarmouth.
Quand l’artisanat rejoint la communauté
Les racines de Nhung dans la communauté sont profondes. « Je croise plein de gens sur la rue Main, je les connais et ils me connaissent, » dit-elle avec fierté. Dans une ville où les relations sont personnelles et durables, sa présence est désormais tissée dans le quotidien. Cette visibilité, en plus de sa réputation de qualité, continue d’attirer aussi bien les habitués que les curieux.
Et même si elle regarde vers l’avenir, elle garde les pieds sur terre. « Tout le monde vieillit un jour, » dit-elle en riant. « J’aimerais trouver une personne jeune pour travailler ici et, un jour, reprendre l’entreprise, mais comme je l’ai dit, ce n’est pas facile de trouver quelqu’un qui a les compétences, l’intérêt et l’éthique de travail. »
Elle rêve de faire venir des proches du Vietnam, où la couture est un métier respecté et courant, mais elle reconnaît que les défis culturels et liés à l’immigration rendent cela complexe. Malgré tout, elle reste optimiste, et son conseil aux autres entrepreneurs est bien senti : « Quand on lance une entreprise, il ne faut pas s’attendre à faire beaucoup d’argent à l’heure. C’est plus que ça. C’est un travail de passion. »
Designs by Nhung, ce n’est pas seulement une boutique : c’est un symbole de pont culturel, de dévouement à l’artisanat et de résilience tranquille. Dans un monde en perpétuel changement, des entreprises comme celle de Nhung nous rappellent la beauté de faire les choses à la main, de l’engagement envers sa communauté, et du travail qu’on aime, et ce, même si les journées sont longues et que le parcours commence à l’autre bout du monde.